Né à Gênes, dans le Nord de l'Italie, le 1er septembre 1922, fils d'un Autrichien (d'où son nom) et d'une championne de basket, Vittorio Gassman fréquente dans un premier temps l'Accademia d'Arte Drammatica, et débute en 1943, à l'âge de 21 ans, au théâtre, à Milan, avec la troupe d'Alda Borelli. Un certain succès sur scène sera rapidement suivi de ses débuts au cinéma dans La fille maudite, de Giovanni Paolucci, dans un rôle d'ancien combattant qui retrouve son milieu familial transformé. Son physique athlétique le destine alors à des films d'aventures ou de cape et d'épée dont Daniele Cortis, La fille du capitaine, Le chevalier mystérieux, Le prince pirate... dans lesquels il tient presque toujours le rôle du méchant. Une période que le comédien renie aujourd'hui mais d'où émergent néanmoins quelques superbes mélodrames : Riz amer, La traite des blanches etAnna. Parallèlement, il travaille au théâtre avec Luchino Visconti, et forme en 1954 sa propre troupe avec Luigi Squarzina, au sein de laquelle il met en scène et interprète des classiques (Shakespeare, Sophocle) comme des auteurs contemporains (Tennessee Williams). Dès 1953, la MGM lui fait les yeux doux et Gassman tournera quatre films à Hollywood en tant que “latin lover” de service : Le mystère des bayous, Les frontières de la vie, Sombrero et Rhapsodie. Le contrat le liant à la MGM est cependant vite déchiré devant le désastre, mais le comédien, dès lors connu par un large public, apparaît dans de grosses productions italiennes destinées à une audience internationale : Mambo, La belle des belles et surtout Guerre et paix. En 1956, il dirige avec Francesco Rosi l'adaptation cinéma d'un de ses plus grands succès au théâtre, la version écrite par Sartre de la pièce de Dumas :Kean. On peut déjà voir dans ce premier film l'autobiographie d'un monstre sacré de la scène, avec ses splendeurs et ses misères. En 1957, après quelques films mineurs, Mario Monicelli transforme Vittorio Gassman physiquement et lui fait jouer un rôle comique à contre-emploi, le petit voleur minable du Pigeon. Le film (et Vittorio Gassman) obtiennent un succès considérables et la carrière de l'acteur prend un tournant décisif, puisque désormais, il sera estampillé “acteur comique” au cinéma. Dans La grande guerre, du même Monicelli, il sera le fantassin lâche qui essaie de se planquer mais meurt comme un héros. Dino Risi en fait de son côté L'homme aux cent visages, puis la figure-clé de La marche sur Rome, deux variations sur le même thème d'esbroufeur couard, avant de lui donner un autre rôle extraordinaire dans Le fanfaron, où il campe un adulte resté encore enfant qui a gâché toute sa vie et s'emploie, sans le faire exprès, à en faire de même avec celle des autres (Jean-Louis Trintignant en l'occurrence). Avec Les monstres et Il gaucho, Risi explore la figure d'un personnage protéiforme divisé entre comédie (au cinéma) et austérité (au théâtre). Devenu star au box-office, on le voit dans Barabbas de Richard Fleischer et il tourne nombre de comédies, souvent sans grand intérêt, ou dans des satires plus originales comme Une vierge pour le prince. Mais, encore et toujours, ce sont Mario Monicelli et Dino Risi qui lui offrent ses meilleurs rôles, le premier avec le diptyque médiéval effréné L'armée Brancaleone et Brancaleone aux croisades, le second avec une série de comédies amères sur les vices de la société italienne, de L'homme à la Ferrari à Cher papa, en passant par Au nom du peuple italien, Parfum de femme ou Ames perdues... En 1969, Vittorio Gassman réalise son deuxième film, L'alibi, en collaboration avec Luciano Lucignani et Adolfo Celi, œuvre qui affronte directement les échecs personnels de ses trois auteurs. Son troisième film en tant que réalisateur, Sans famille (1972), parodie de mélo, sera moins personnel. En 1978, Robert Altman le rappelle aux Etats-Unis et lui offre deux grands rôles : le riche Italien immigré et père de famille d'Un mariage, et le prêtre diabolique du très glaciaire Quintet. En 1982, Gassman tourne un film “cinéma-vérité” avec son fils Alessandro, qu'il a eu de la comédienne française Juliette Mayniel et, en 1983, il est coup sur coup le personnage principal de Benvenuta, d'André Delvaux, et l'un des principaux protagonistes de La vie est un roman, d'Alain Resnais. Deux films où il a pour partenaire Fanny Ardant, qu'il retrouve aujourd'hui dans Le dîner, de son vieux compliceEttore Scola. Entre-temps, sa carrière s'est ralentie à la mesure du ralentissement artistique de la création cinématographique italienne. De retour dans son rôle-clé pour Le pigeon, vingt ans après, il tourne avec Rosi dans Oublier Palerme (le petit rôle du Prince) et retrouve une dernière fois Dino Risi avec Valse d'amour, dans le rôle d'un ex-directeur de banques qui sort d'un hôpital psychiatrique et revient vivre avec sa fille... Outre Le dîner, dont il est, en quelque sorte, l'ombre tutélaire, Vittorio Gassman, 77 ans aujourd'hui, vient d'achever une comédie new-yorkaise en compagnie de son fils, La bomba.
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