C'est à Belfast, en Irlande, que voit le jour ce grand amoureux de William Shakespeare qu'est Kenneth Branagh. C'était le 10 décembre 1960. Des études classiques, le jeune homme n'en a cure. Celui qui rêve de théâtre depuis sa plus tendre enfance prend la direction de la Royal Academy of Dramatic Arts, qui lui permet de s'illustrer et de récolter une moisson de prix. Six semaines après avoir quitté la RADA, en 1982, Branagh débute sur les planches londoniennes dans "Another Country", de Julian Mitchell, son premier rôle professionel, mais aussi l'occasion de sa première grande récompense, puisqu'il emporte haut la main le Prix du Meilleur espoir, décerné par les théâtres du West End. L'année suivante le verra apparaître dans de nombreuse autres pièces, ce qui ne l'empêchera pas de quitter sa compagnie pour rejoindre la très prestigieuse Royal Shakespeare Company en 1984. Il y interprète successivement Henry V dans la pièce homonyme, le roi de Navarre dans "Peines d'amour perdues", Laerte dans "Hamlet" et Mike dans "Golden Girl". Les planches n'étant pas assez vastes pour assouvir son incroyable besoin de grands espaces, il prend sa plume et écrit une pièce, "Tell Me Honestly", qu'il met ensuite en scène. La mise en scène n'étant pas pour lui déplaire, il s'attaque ensuite à "Roméo et Juliette" et fonde dans la foulée le Renaissance Theatre Company avec son ami David Parfitt, lui aussi acteur. Cependant, ses activités théâtrales laissent à Kenneth le temps de flirter avec les caméras, et il figure ainsi dans de nombreuses productions télévisées britanniques, comme "The Shadow of a Gunman", de Sean O'Casey, ou encore la série dramatique "Fortunes of War" (1986-1987), dans laquelle il tient l'un des principaux rôles aux côtés de sa future épouse, Emma Thompson (dont il est aujourd'hui séparé). Nous sommes en 1988 et, en l'espace d'un an, Kenneth Branagh va écrire et jouer "Public Ennemy", mettre en scène "La nuit des rois", "The Life of Napoleon" et "The American Story" entre autres. Les finances d'une compagnie, fut-elle théâtrale, demandant des rentrées d'argent, Branagh écrit "Beginning", une autobiographie. La compagnie est sauvée ! Il faut pourtant songer à la deuxième saison, et notre homme décide alors de se faire mettre en scène (en tout bien tout honneur). Il incarnera ainsi en 1989 Benedict dans "Beaucoup de bruit pour rien", sous la direction de Judi Dench, Touchstone dans "Comme il vous plaira", et le rôle-titre dans "Hamlet", dont l'homme-orchestre n'est autre que Derek Jacobi. Première collaboration, mais pas la dernière.
1989 marque un changement de cap pour Branagh, qui passe devant et derrière la caméra (si l'on excepte deux petits rôles en simple interprète dans Un mois à la campagne et Soleil grec), avec Henry V (récompensé dans le monde entier), un rôle qu'il connaît sur le bout des doigts pour l'avoir pas mal joué sur les planches. En 1990 et 1991, il interprète et met en scène "Le roi Lear" et "Le songe d'une nuit d'été", qu'il présente avec sa troupe un peu partout sur la planète. Mais le cinéma lui fait à nouveau des appels du pied, et il accepte de jouer et réaliser Dead again, un thriller tout ce qu'il y a de plus contemporain, avec à ses côtés Emma Thompson et Derek Jacobi. Le succès aux Etats-Unis est énorme, et Kenneth Branagh est devenu une star. L'année suivante marque ses dernières apparitions au théâtre avec "Coriolan" (présenté au Festival de Théâtre de Chichester), et "Hamlet", pièce pour laquelle il retrouve la Royal Shakespeare Company. 1992, c'est aussi l'année de sa comédie Peter's friends, qu'il co-produit, réalise, et interprète. Petit budget mais gros succès pour cette chronique d'une belle amitié d'un groupe d'amis sur fond de spectre du sida. Retour, un an plus tard, au maître Shakespeare avec une adaptation ensoleillée et italienne de Beaucoup de bruit pour rien, gigantesque succès à la fois critique (le film était présenté à Cannes) et populaire. Shakespeare n'avait pas connu telle euphorie au cinéma depuis plus de vingt ans ! Suivront le baroque Frankenstein, avec Robert De Niro dans le rôle-titre, et le plus intimiste Au beau milieu de l'hiver, dans lequel une troupe de comédiens sur le retour repète "Hamlet" dans les cris et les larmes. Les répétitions menant normalement à une générale, Branagh enchaîne sur une mégaproduction ciné de Hamlet, dont il s'est réservé le rôle-titre et qui sera présenté en deux versions (une de quatre heures et une de deux).
Se consacrant uniquement à une activité d'acteur pendant les deux années suivantes, on retrouve Kenneth Branagh pris dans un étrange complot au cœur de The gingerbread man, puis il devient l'alter ego de Woody Allen en écrivain frustré de Celebrity. Enfin, dans le blockbuster Wild wild West, il est un méchant diabolique paré à mettre des bâtons dans les roues d'Artemus Gordon. Mais le virus de la réalisation est trop tenace, et sa revisitation de l'œuvre de Shakespeare prend un tour nouveau avec une adaptation sous forme de comédie musicale de Peines d'amour perdues, situé pour l'occasion au tournant des années 40, juste avant la Seconde Guerre mondiale. Depuis ce dernier film derrière la caméra, dans lequel il tient évidemment un des premiers rôles, Branagh n'a pas chômé : voix de Miguel dans La route d'Eldorado, il a aussi tourné une comédie avec Robin Wright Comment tuer le chien de son voisin (qui vient seulement de sortir en France, trois ans après avoir été terminé) et enchaîne rapidement sur le film de Phillip Noyce Le chemin de la liberté, dans lequel il n'a pas le beau rôle, puisque'il y incarne une sorte d'esclavagiste à l'œuvre dans l'Australie de 1931.
Enfin, le dernier coup d'éclat de mister Branagh a eu lieu à l'occasion de Harry Potter et la chambre des secrets, où le comédien shakespearien incarne le narcissique Gilderoy Lockhart, professeur de lutte contre les forces du Mal.
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