Parisien de naissance (il a vu le jour dans la capitale le 8 octobre 1946), Jean-Jacques Beineix se passionne pendant son adolescence pour le cinéma, qu'il honore à sa manière en tournant des petits films en 8 mm afin d'épater ses conquêtes du moment. Inscrit en médecine, il participe aux manifestations de mai 1968 comme brancardier. Il approche, à peu près au même moment, le monde du cinéma, et devient stagiaire (il travaille notamment sur la série "Les saintes chéries" et sur le film Le cinéma de papa) avant de devenir l'un des assistants réalisateurs les plus demandés des années 70. A son actif des films comme Le bateau sur l'herbe (Gérard Brach, 1971), La course du lièvre à travers les champs (René Clément, 1972), Défense de savoir (Nadine Trintignant, 1973), La course à l'échalote (Claude Zidi, 1975), L'aile ou la cuisse (Claude Zidi, 1976) ou L'animal (Claude Zidi, 1976). Finalement, les années 80 seront les siennes puisqu'il les étrenne en fanfare en réalisant son premier film, Diva, qui surprend des critiques sceptiques et un public très enthousiaste. Diva s'inscrit immédiatement dans un courant alors novateur, esthétisant (parfois qualifié de “publicitaire”) et dont Beineix sera, avec le Luc Besson de Subway, un des chantres. Après avoir obtenu quatre César avec ce film, Beineix s'attèle à un nouvel ouvrage, La lune dans le caniveau, d'après un roman de David Goodis, mettant en scène Gérard Depardieu, Nastassja Kinski et Victoria Abril. Sélectionné au Festival de Cannes 1983, ce triangle amoureux fatal, baroque, irréel et désespéré situé dans un univers portuaire reconstitué en studio, est un échec commercial. La faute, peut-être, à un scénario évacué au profit de l'esthétisme prégnant qui baigne un fil par ailleurs très long. Exilé un temps aux Etats-Unis pour y écrire un scénario ("La vierge de glace", d'après Marc Behm), dont les Américains ne feront finalement rien, il revient en France et reçoit par la poste un manuscrit signé Philippe Dijan et pour lequel il a le coup de foudre. Pour le rôle féminin principal de 37°2 le matin, le réalisateur porte son choix sur une inconnue, Béatrice Dalle, qui n'a jamais tourné de sa vie. Film générationnel s'il en est, 37°2 le matin allie l'érotisme à la passion, et une esthétique forte à un scénario à la modernité exacerbée : l'écrivain Zorg (incarné par Jean-Hugues Anglade) et sa muse Betty Blue, leur passion, déchirante jusqu'à la folie, la ballade sauvage et délétère des deux amants à travers des paysages sublimés par la caméra de Jean-François Robin... Le succès est au rendez-vous, et pas seulement en France. Après un tel retour en grâce, le retour de bâton se fait rude avec la sortie catastrophique de Roselyne et les lions, dans laquelle Isabelle Pasco se fait dresseuse de cirque. L'échec est patent, la critique saignante, ce qui est d'autant plus dur que c'est le premier de Beineix au sein de sa propre société, Cargo Films, fondée avec la productrice Claudie Ossard. Entre-temps, le réalisateur se tourne vers la réalisation de spots publicitaires, notamment pour la fameuse pub pour les peintures Valentine, dont la vedette était une panthère. Au début des années 90, sort la version longue de 37°2 le matin (près de trois heures), avec un certain succès. Mais ce n'est qu'un pis-aller pour les fans de Beineix, qui devront attendre jusqu'en 1993, année de la sortie de IP5 – L'île aux pachydermes, dernière apparition d'Yves Montand au cinéma dans le rôle d'un vieil homme à la recherche d'une île mythique, guidé vers son but par deux adolescents. Cette jolie fable ne rencontrera pas l'écho espéré, et Jean-Jacques Beineix délaisse alors à nouveau le cinéma pour se consacrer à la publicité et à la présidence de l'ARP (Auteurs Réalisateurs Producteurs), militant activement pour le respect des quotas audiovisuels afin de préserver l'Europe de l'hégémonie culturelle américaine. Il réalise en 1997, pour l'émission "Envoyé spécial", un documentaire ("Otaku") consacré aux collectionneurs fétichistes au Japon, puis s'attelle à un nouveau film consacré aux vampires (intitulé "L'affaire du siècle") mais qui ne verra finalement pas le jour. Avec Mortel transfert, dont le sujet principal est la psychanalyse (Beineix a lui-même été pendant trois ans en analyse, à la fin des années 60), le réalisateur revient au cinéma et réalise son sixième film. Et retrouve par la même occasion Jean-Hugues Anglade, qu'il avait, quinze ans auparavant, propulsé au firmament des stars avec 37°2 le matin.
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