Sur vingt-quatre titres signés James Ivory entre 1953 et 1990, courts, moyens ou longs métrages, documents ou fictions, neuf évoquent l'Inde, sa civilisation et les séquelles de son passé colonial. Le cinéaste serait donc un Britannique, fasciné par la pièce majeure d'un Empire disparu ? Pas du tout : il est américain, né le 7 juin 1928 à Berkeley, Californie. Il s'est tout simplement passionné sur les rapports entre l'Inde et l'Occident après avoir, à 23 ans, découvert LE FLEUVE de Jean Renoir, qui traitait ce sujet. Il acquit une réputation internationale grâce à SHAKESPEARE WALLAH, où des comédiens britanniques, rescapés de la colonisation, continuaient dans l'Inde actuelle à jouer Shakespeare avec ferveur, activité devenue tout à fait dérisoire. Le film consacrait la rencontre du réalisateur avec Ruth Prawer Jhabvala, romancière-scénariste, indienne par alliance, et Ismail Merchant, producteur né à Bombay. On retrouvera ce trio dans presque tous les films d'Ivory, indiens (le dernier à ce jour : CHALEUR ET POUSSIÈRE. Dans un style raffiné, pointilliste, délicat, Ivory a poursuivi une oeuvre marginale. Il a adapté Henry James (LES EUROPEENS, LES BOSTONIENNES), E.M. Forster (CHAMBRE AVEC VUE, MAURICE), Jean Rhys (QUARTET, sur le Paris bohème et international des années 20, tourné en France avec Isabelle Adjani) et Evan S. Connell (MR. AND MRS. BRIDGE, portrait miel et vitriol d'un bourgeois américain sûr de lui et de son épouse modèle, deux grands rôles pour Paul Newman et Joanne Woodward). Il a également dépeint avec force le Hollywood à scandales des années 20 (WILD PARTY, sur lequel plane le souvenir de Fatty Arbuckle, avec James Coco et Raquel Welch) ou avec une grande tendresse un fameux dancing populaire new-yorkais et sa faune d'habitués, solitaires et marginaux de tous âges (ROSELAND, inédit en France, avec Teresa Wright, Geraldine Chaplin et Christopher Walken). Parlant de l'accueil de ses films aux EtatsUnis, James Ivory a déclaré : "Le public américain attend toujours d'un film de l'action. Alors évidemment les miens lui paraissent assez lents; il faut attendre la deuxième ou troisième bobine avant de rentrer dans le sujet... quand les spectateurs y rentrent ! Mes films sont considérés en Amérique comme des films étrangers et ils sont souvent distribués comme tels. C'est tout juste si on ne les sous-titre pas en anglais... " Le réalisateur remarquait, à propos de Basil Ransom, le personnage des BOSTONIENNES incarné par Christopher Reeve : "Comme lui, j'ai tendance à voir le beau dans le bizarre. " On a envie d'ajouter : "Et vice-versa. " Par ailleurs, James Ivory a participé à certains films de ses collaborateurs et amis : montage de " Mahatma and the Mad Boy " d'Ismail Merchant (pour la télévision), de HELEN, QUEEN OF THE NAUTCH GIRLS d'Anthony Komer, producteur associé de SAVAGES, puis de SWEETSOUNDS, réalisé par son musicien attitré Richard Robbins, tout cela en 1972 et 1973.
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