Carmen García Maura (son patronyme intégral) est le 15 septembre 1945, d'une grande famille madrilène puisque son aïeul, Antonio Maura, était député. A 20 ans, après avoir entamé des études universitaires de lettres, elle dispose d'un univers confortable : argent, époux de qualité, direction d'une galerie d'art dans la capitale... Bref, c'est une notable. Mais c'est mal connaître le goût de l'art qui l'habite alors, et sa sensibilité à fleur de peau qui l'entraîne, presque malgré elle, à devenir actrice. Elle plaque tout, dont son mari, se retrouve sans argent et plonge tête baissée dans le monde underground anti-franquiste à la recherche de rôles en pagailles, qui feront, pour la débutante, office de conservatoire. A la fin des années 60, Carmen Maura apprend son métier comme elle peut : romans-photos, doublages, pièces radiophoniques, pièces tout court, cabaret, café-théâtre... Mais elle ne prendra jamais un seul cours de théâtre !Son premier succès, la comédienne l'obtient en remplaçant au pied levé une actrice défaillante. Elle est choisie en raison de ce style “nature” qui fera la patte Maura pour présenter une émission télé totalement en rupture avec le petit écran compassé et vieillot de l'ère franquiste... et devient immédiatement un phénomène de la télé. Parallèlement, elle démarre au cinéma sous l'égide de jeunes réalisateurs totalement inconnus (Pedro Almodóvar, Fernando Colomo, Fernando Trueba), dont elle illumine les courts métrages de son charme drôlatique. Elle suit d'ailleurs Colomo sur son premier long, Tigres de papel, qui remporte un succès critique et commercial non négligeable. Suivra l'inavouable Folle... folle... folleme Tim, premier long (officieux) de Pedro Almodóvar, sorte de roman-photo semi-porno réalisé en Super-8... et seulement vu par une poignée de happy few. C'est un premier opus en commun qui n'augure que du bon puisque en 1980, Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier, du même Almodóvar, tourné à la petite semaine durant deux ans, réveille les critiques qui découvre enfin un cinéma nouveau sur la terre ibérique. Devenue l'égerie de la Movida, Carmen rempile avec son mentor pour Dans les ténèbres, où elle est une nonne névrosée, puis pour Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ?, dans le rôle d'une mère dépressive, accro aux amphétamines. Le film installe la renommée internationale du duo Almodóvar-Maura, dont le point culminant sera atteint quatre ans plus tard avec le brillant Femmes aux bord de la crise de nerfs, avec une Carmen Maura géniale en actrice trompée et folle de jalousie. Dès lors, les plus grands la demandent : Carlos Saura en fait une actrice de théâtre pendant la guerre civile dans ¡Ay, Carmela !, Roger Planchon la voit très bien en Anne d'Autriche, mère de Louis, enfant-roi, Etienne Chatiliez lui confie le rôle de la douce paysanne Dolores, qui va illuminer la vie de Michel Serrault dans Le bonheur est dans le pré... Tout cela au milieu d'une filmo qui ne ralentit pas, passant de France en Espagne, de cinéma d'auteur (Sombras en una batalla) à des comédies ultra-commerciales (Cómo ser infeliz y disfrutarlo) ou à des chroniques romantiques plus sobres (Elles), voire à des polars violents (Lisboa, avec Sergi Lopez, hélas non distribué en France). Téchiné lui donne le rôle de la mère d'Alexis Loret dans Alice et Martin, Mocky la fait entrer dans la ronde hystérique d'Alliance cherche doigt, elle est une lugubre arriviste dans L'enthousiasme (un de ses rares rôles non comiques), et la tenancière d'un harem à la dérive dans Le harem de Madame Osmane. Après ces quelques rôles plus graves, on est donc très contents de retrouver la tempête Carmen Maura dans le barocco-délirant Mes chers voisins, où, en agent immobilier, elle fait main basse sur un magot convoité par tous les habitants d'un immeuble. Un premier film avec le trublion Alex de la Iglesia, mais pas le dernier puisque la paire vient de se retrouver pour 800 balas, actuellement en tournage. Entre-temps, Carmen a retrouvé le Français Martin Provost pour Le ventre de Juliette (avec Nathalie Richard et Stéphane Rideau), qui lui avait offert le rôle d'une actrice embourbée dans un tournage harassant dans la comédie Toritlla y cinéma. Bref, on va encore beaucoup entendre et voir la pétulante Carmen Maura dans les prochains mois...
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