A 12 ans, le jeune cinéphile Alain Resnais se voit offrir pour Noël, par son père, sa première caméra Kodak, avec laquelle il tourne quelques films en super 8 dont un Fantomas. Egalement passionné de théâtre, il s'inscrit au Cours Simon avant d'intégrer en 1943 la première promotion de l'IDHEC, en section montage. Après-guerre, il réalise une série de films d'art très remarqués (Van Gogh, Guernica). Contemporain de la Nouvelle Vague, il est plus proche d'un groupe "Rive gauche" engagé dont font partie Chris Marker, avec qui il co-signe Les Statues meurent aussi (Prix Jean Vigo 1954), et Agnès Varda -il monte La Pointe courte, premier long métrage de la réalisatrice en 1956. La même année, il obtient encore le Prix Jean-Vigo, pour Nuit et brouillard, documentaire qui deviendra un film de référence sur la déportation.
Sorti en 1959, quelques semaines après Les 400 coups, Hiroshima mon amour, le premier long métrage d'Alain Resnais, s'impose comme une oeuvre-charnière du cinéma français, à la fois par l'audace de son sujet (les traumatismes de la Seconde Guerre Mondiale évoqués à travers une histoire d'amour) et la modernité de la narration. La mémoire restera un des thèmes fétiches du cinéaste, comme en témoignent ses deux films suivants, avec Delphine Seyrig, l'opaque L'Année dernière à Marienbad (Lion d'Or à Venise en 1961), puis Muriel (1964), sur les fantômes de la Guerre d'Algérie, ou plus tard Providence (1977). Loin de ne se soucier que de la forme, il fait de Montand un militant anti-franquiste dans La Guerre est finie (Prix Louis-Delluc 1966), prend part au film collectif Loin du Vietnam, et au manifeste utopique L'An 01.
En dépit de son image de cinéaste intellectuel, l'auteur de L'Amour à mort, qui offre à Bébel le rôle de l'escroc Stavisky en 1974, est nourri de culture populaire : s'essayant à la SF (Je t'aime, je t'aime, 1968), il revisite le théâtre de boulevard (Mélo, 1986), s'intéresse à la BD (I Want to Go Home), donne à la variété ses lettres de noblesse (On connait la chanson, son plus gros succès en 1997) et signe une opérette (Pas sur la bouche). Film-puzzle rythmé par les interventions d'Henri Laborit, Mon Oncle d'Amérique (primé à Cannes en 1980) illustre à merveille le caractère à la fois ludique et cérébral de son cinéma.
A partir des années 80, Resnais fait appel à un trio d'acteurs virtuoses auxquels il offre, au fil des ans, des partitions subtiles et variées : André Dussollier, Pierre Arditi et bien sûr sa muse Sabine Azéma, qui ont chacun remporté au moins un César grâce à un de ces rôles. L'amour de Resnais pour ses comédiens éclate dans Smoking-No Smoking, Arditi et Azéma interprétant à eux seuls les onze personnages de ce diptyque, César du Meilleur film en 1993. Côté scénaristes, si, à ses débuts, ses collaborateurs avaient pour nom Duras ou Robbe-Grillet, le maître respecté, lauréat d'un Ours d'or d'honneur à Berlin en 1998, s'entoure à présent d'auteurs plus grand public, tels le couple Bacri -Jaoui dans les années 90, puis Jean-Michel Ribes pour Coeurs, Prix de la Mise en scène à Venise en 2006. Trois ans plus tard, à l'occasion de la présentation des Herbes folles (sa toute première adaptation de roman), le toujours vert Alain Resnais reçoit à Cannes un Prix exceptionnel pour l'ensemble de son oeuvre.
|