ALAIN DUPLANTIER Photographe, réalisateur de long-métrage, de clip et de pub.
Alain Duplantier découvre sa passion pour l'image à 13 ans. Alors qu'il s'imaginait bien devenir missionaire, chasseur alpin ou astronaute, le métier de photographe s'impose finalement à lui comme une évidence.
C'est d'abord son père, amateur de photographie, qui lui transmet le virus en lui montrant tout simplement ses images. Puis, sa mère prend la relève en posant devant l'objectif d'Alain dans le salon familial de Dax.
Vient l'heure du labo où la magie des premiers tirages révélés dans le noir détermine son choix. Pour compléter son expérience d'autodidacte, Alain Duplantier s'inscrit à l'ETPA (Ecole Technique de la Photographie et de l'Audiovisuel) à Toulouse avant de s'envoler à 18 ans vers la capitale. A Paris, il débute comme tireur dans un labo photo; il y rencontre un client pressé par le temps qui lui commande des développements à la chaîne en contrepartie d'une somme rondelette.
Avec cet argent, Alain s'achète son premier boîtier : un Praktika avec un objectif 50 mm. Assez rapidement, il se retrouve assistant-plateau au studio Première Heure où il assiste en deuxième garde une flopée de photographes dont Michel Comte et Jean-Baptiste Mondino.
Attaché viscéralement à son autonomie, Alain ne se voit pas comme l'assistant attitré d'un seul photographe. En revanche, il préfère investir tous les soirs le plateau pour y réaliser ses propres images après avoir exécuter celles des autres. Là, entre quatre murs et dans le creux du cyclo, il fait ses armes en explorant les multiples possibilités de la lumière sur son sujet; il creuse ses idées, expérimente des techniques, se plante, recommence, se cherche, trouve...
Dans tous les cas, il avance, vite, très vite puisque les opportunités de boulot se bousculent. Le label New Rose lui commande une pochette de disque suivie d'une autre comme celle d'Alex Chilton...au total il en éxécute 50.
Une aubaine pour un type comme lui qui turbine aux décibels punk, rock, pop non sans avoir traîné ses guètres dans tous les concerts possibles et inimaginables.
Sa vie s'accélère encore, avec une incursion dans la presse. Alain réalise pour Création Magazine une série de portraits sur les grandes acheteuses d'art dont le traîtemement particulier de la couleur séduit le magazine Globe - une des références médiatiques du début de ces années 90. Les yeux fermés et sans avoir consulté son book, les responsables du service photo du journal lui confient, comme première mission périlleuse, celle de photographier Franois Mitterrand au moment des deux tours des élections présidentielles en mai 1988. Ne mesurant pas bien l'enjeu de cette rencontre, Alain Duplantier pénètre à 21 ans avec son Hasselblad -prêté par son ami reporter Jean-Christian Bourcart - et une bonne gueule de bois dans les salons austères et classiques de l'Elysée. "J'avais déjà pour habitude de faire des bascules, des décadrages avec mon boîtier mais visiblement cela déconcertait F. Mitterrand. Ca m'amusait parce qu'il n'arrêtait pas de suivre mon mouvement afin de rester dans l'axe de l'appareil, le corps bien droit" se souvient Alain.
Finalement, l'image publiée dans Globe dévoile un Président de profil (et droit ) esquissant un gracieux mouvement de mains. Grâce à cette épreuve du feu réussie, Alain enchaîne les reportages pour Globe, Première puis le mensuel féminin Glamour. Dès 1989, Libération le remarque et lui ouvre ses pages afin d'y réaliser des portraits de personnalités de tout bord : Björk, Mankiewicz, Clint Eastwood, Jean-Marc Barr, Sandrine Kimberlain, Aimé Jacquet, des hommes politiques à la pèle...Au total, pas loin d'une centaine d'images parues en dix ans, chiffre qui ne cesse d'augmenter puisqu'Alain collabore toujours au journal.
A Libération, son travail est apprécié en raison de sa signature très affirmée, très revendiquée : celle du cadre très serré, de la présence du regard, de la lumière qui creuse le visage au point de le transformer et de semer un doute sur l'identité de la personne photographiée. Sans oublier son registre d'images qui est proche de celui du cinéma et sa façon de travailler le portrait comme de la matière première. Laurent, responsable du service-photo de Libération, ajoute : "Outre le fait qu'Alain Duplantier utilise la photo un peu comme un plasticien, il a une faculté essentielle : celle de ne pas se laisser impressionner par la personnalité à portraitiser et d'arriver ˆ créer un rapport de force afin que lui, seul, impose son choix d'image." Après les prises de vues, Alain se charge lui-même d'exécuter le tirage et n'apporte en général qu'une seule photo à la rédaction. Toujours par souci d'indépendance, aucune de ses images ne sont en agence.
Après la presse, ce sont les sociétés de production qui s'intéressent à lui. En 1991, Alain est sollicité par les Télécréateurs, qui lui confie de nombreux spots de publicité (Peugeot, Swatch ...) et de clips à réaliser dont ceux de Youssou'n Dour, Renaud, les Silencers. Dans ses clips, on reconnaît à chaque fois son style radical qui s'exprime dans sa faculté de s'adapter à l'univers d'un groupe tout en y incorporant son originalitŽ propre. Quelques indices pour cerner la Duplantier's touch : l'utilisation fréquente de l'animation, l'humour des situations, du mouvement perpétuel, des couleurs pétantes ou, au contraire, une gamme de noir et blanc contrastée, saturée, sombre - à l'instar des films noirs des années 50. Pour chacun de ses tournages, Alain Duplantier travaille en équipe réduite, presque de manière artisanale, remplissant lui-même la double fonction de réalisateur et chef-opérateur. Ce parti pris pour l'indépendance et l'autogestion lui donne l'assurance dont il aura grand besoin pour son futur projet.
Autre virage en 1993 : tout en continuant à faire des photos et des clips, Alain s'oriente vers le cinéma sur un coup de tête. Un coup de tête qui fait écho à une refléxion mûrie et à une révolte sourde provoquée par la guerre en ex-Yougoslavie. "Je n'arrivais pas à rester spectateur face à cet évènement, je sentais que je devais m'engager en produisant un film" se rappelle Alain. Avec le photographe Jean-Christian Bourcart, ils s'embarquent pour Sarajevo où ils vont tourner pendant un an et en pleine guerre "Elvis", un film co-écrit avec des Bosniaques. Etant donné les moyens limités et les conditions d'extrême urgence qu'implique un tournage comme celui-ci, Alain improvise en jouant avec la lumière naturelle. Là encore, il filme comme il photographie : au plus près des corps et des visages des acteurs, dans le relief et les détails des décors...et par dessus tout en couleur désaturée. "Elvis", le film sort en septembre 1997. Si cette expérience à Sarajevo a sans doute été l'une des plus fortes de sa vie, Alain Duplantier ne s'est pas pour autant arrêté en route. Depuis, il continue sa collaboration avec Libération, prépare un nouveau long-métrage et reste fidèle à ses prédispositions personnelles qu'il résume ainsi : "Avoir de l'appétit pour tout; travailler dans l'instant et l'instinct; réaliser des projets qui me rendent heureux même s'ils ne marchent pas toujours."
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